Lésions bénignes
Plusieurs lésions bénignes peuvent se retrouver au niveau du sein. La plupart des lésions bénignes ne donnent pas d’augmentation du risque de développer un cancer. Cependant, elles peuvent donner un défi diagnostique tant en clinique qu’en imagerie. Il est parfois difficile de les départager et l’investigation doit se poursuivre dans certains cas afin d’éliminer un cancer. Un suivi plus serré peut être suggéré.
On peut classer les lésions bénignes en trois catégories :
Lésions mammaires bénignes
LÉSIONS NON-PROLIFÉRATIVES | LÉSIONS PROLIFÉRATIVES | AUTRES LÉSIONS BÉNIGNES |
Kyste | Hyperplasie canalaire usuelle | Nécrose graisseuse |
Changements fibrokystiques | Papillome intracanalaire | Hamartome |
Hématome | Adénose sclérosante | Galactorrhée |
Cicatrice radiaire | Infections | |
Fibroadénome | Galactophorite | |
Adénomatose érosive du mamelon | Maladie de Mondor | |
Tumeur phyllode bénigne | Écoulement du mamelon sanguinolent pendant la grossesse |
|
Ectasie canalaire | ||
Lipome | ||
Mastopathie diabétique | ||
Galactocèle | ||
Mucocèle | ||
Mastite granulomateuse idiopathique |
||
Mastite à plasmocytes | ||
Hyperplasie stromale pseudoangiomateuse (PASH) |
||
Sarcoïdose | ||
Adénome | ||
Fibromatose | ||
Maladie de Rosai-Dorfman | ||
Granulomatose de Wegener |
LÉSIONS NON-PROLIFÉRATIVES
- Kyste
On doit prouver la nature liquide du kyste, soit par ponction, soit par échographie. La ponction permet de soulager la douleur lorsqu’elle est présente. L’analyse cytologique du liquide n’est nécessaire que si le kyste est hémorragique ou lors d’une récidive rapide. On doit s’assurer qu’il n’y a pas de masse résiduelle suite à la ponction, ce qui pourrait laisser soupçonner un cancer intrakystique.
- Changements fibrokystiques
Les changements fibrokystiques portent plusieurs noms, dont : la maladie fibrokystique du sein (MFK, sans lien avec la maladie fibrokystique du pancréas et son atteinte pulmonaire) et la dysplasie mammaire (DM), appellation courante, mais qui porte à confusion.
Les manifestations des changements fibrokystiques peuvent inclure une nodularité diffuse ou localisée dans les seins, de l’enflure, de la sensibilité et de la douleur. La douleur est souvent cyclique, selon le cycle menstruel. Ces symptômes apparaissent dans les années reproductrices et s’estompent avec la ménopause. Sa cause exacte est incertaine, mais les variations hormonales en seraient probablement la cause.
Les changements sont habituellement symétriques. Le plus souvent, les seins sont granuleux et des placards plus marqués sont présents aux régions supéro-externes. Un placard isolé dans un seul sein doit être investigué comme un nodule dominant doit l’être.
LÉSIONS PROLIFÉRATIVES BÉNIGNES SANS ATYPIE
Résumé des lésions prolifératives bénignes
LÉSION | FRÉQUENCE À LA BIOPSIE | FRÉQUENCE CLINIQUE | RISQUE AUGMENTÉ DE CANCER | CHIRURGIE? | NOTE |
Hyperplasie canalaire usuelle | Fréquent | Sans signe clinique | Incertain | Non | |
Papillome intracanalaire | 2% | Fréquent | Incertain | Incertain, référer | |
Papillomes multiples | Rare | Rare | Oui | Oui, référer | |
Papillomatose juvénile | Rare | Rare | Oui | Oui, référer | |
Adénose sclérosante | Fréquent | Rare | Non | Non | |
Cicatrice radiaire | 0.5% | Rare | Incertain | Oui, référer | |
Fibroadénome | 16% | Fréquent | Non | Oui, référer | Dois être distingué d’une tumeur phyllode |
Fibroadénome géant | Rare | Rare | Non | Oui, référer | Dois être distingué d’une tumeur phyllode |
Fibroadénome juvénile | Rare | Rare | Non | Oui, référer | Dois être distingué d’une tumeur phyllode |
Fibroadénome complexe | Rare | Rare | Oui | Oui, référer | |
Adénomatose érosive du mamelon | Rare | Rare | Non | Non | Dois être distinguée de la maladie de Paget |
- Fibroadénome
Certains cancers se présentent parfois cliniquement comme des fibroadénomes. C’est pourquoi un diagnostic pathologique est souhaitable (ponction, biopsie percutanée, exérèse). Le fibroadénome (FA) est une tumeur solide proliférative bénigne. Dans 20% des cas, les FA peuvent être multiples, dans un même sein ou dans les deux. Le risque de cancer du sein est légèrement augmenté seulement dans les cas d’un FA complexe, d’un FA simple bordé par une autre lésion proliférative ou chez les femmes ayant une histoire familiale de cancer du sein. Les FA sont principalement retrouvés entre 15 et 35 ans. Ils peuvent augmenter en taille avec une grossesse ou avec une thérapie à base d’œstrogènes. Ils régressent habituellement avec la ménopause et peuvent avoir tendance à se calcifier. À l’examen physique, ils forment une masse mobile. À l’échographie, ils sont visibles comme étant une masse solide bien délimitée. Un diagnostic par biopsie percutanée est souhaitable si l’exérèse n’est pas retenue. L’exérèse du FA n’est pas nécessaire dans tous les cas, mais un suivi est indiqué. L’exérèse n’est indiquée que si le FA grossit, qu’il devient symptomatique ou présente des changements en imagerie, afin d’éliminer une malignité sous-jacente. Pour tout FA, le principal défi du pathologiste est de le différencier d’une tumeur phyllode. C’est pourquoi l’exérèse est parfois recommandée pour confirmer le diagnostic. Au Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia (CMSDF), environ 16% des biopsies percutanées réalisées reviennent avec un diagnostic de FA comme lésion la plus importante présente dans la biopsie.
Le FA géant est un fibroadénome de grande taille (10 cm et plus). Son excision est recommandée et le principal défi que le pathologiste rencontrera encore sera de le différencier d’une tumeur phyllode.
Le FA juvénile survient chez les femmes de 10 à 18 ans et varie entre 5 et 20 cm. Il s’agit habituellement d’une masse non douloureuse, solitaire, unilatérale et à croissance rapide. Son excision est recommandée, mais il y a un risque d’endommager le sein en développement chez les filles en puberté. Cliniquement, il est difficile à différencier d’une tumeur phyllode.
Le FA complexe se présente cliniquement comme un fibroadénome simple. Toutefois, le FA complexe contient d’autres lésions, telles que de l’adénose sclérosante, de l’hyperplasie canalaire ou des calcifications épithéliales. Ils sont associés à un risque légèrement accru de cancer du sein lorsque ces autres lésions se retrouvent également dans les tissus autour du FA complexe. Sa prise en charge est controversée.
- Papillome intracanalaire (PIC)
Un papillome intracanalaire (PIC) se développe habituellement dans un des canaux sous aréolaire. Le papillome intracanalaire (PIC) est la lésion la plus fréquemment associée à un écoulement séreux ou séro-sanguinolent du mamelon. Les PIC sont rarement palpables, sauf lorsqu’ils atteignent 2-3 cm. Ils sont parfois découverts fortuitement à la mammographie. Un PIC solitaire n’est habituellement pas perçu comme étant pré-malin, mais son exérèse peut être nécessaire pour le confirmer, car la possibilité d’un cancer in situ ou infiltrant doit alors être éliminée. La prise en charge chirurgicale d’un PIC solitaire sans atypie, diagnostiqué à la biopsie percutanée d’une anomalie radiologique asymptomatique, pose très souvent un dilemme : quand faut-il opérer? Les données à ce sujet sont controversées. Au CMSDF, ce sont environ 2% des biopsies percutanées qui présentent un PIC. Dans environ 10% des cas de PIC, les papillomes sont multiples et 2 ou 3 PIC peuvent être observés dans le même canal.
- La papillomatose juvénile (aussi appelée Maladie du fromage suisse)
Le papillomatose juvénile est une maladie rare affectant les femmes de 10 à 44 ans (moyenne de 23 ans). Les patientes présentent habituellement une lésion palpable discrète, mais des cas de masses importantes ont été rapportés. Le traitement est l’exérèse chirurgicale. Il y aurait un plus grand risque de cancer sous-jacent et dans l’avenir.
- Adénose sclérosante
L’adénose sclérosante est habituellement une découverte fortuite lors d’une biopsie, mais elle peut se présenter comme une anomalie mammographique ou une masse palpable. Elle peut se retrouver en association avec la néoplasie lobulaire ou le carcinome canalaire in situ.
- Cicatrice radiaire
Il faut faire la différence entre la cicatrice radiaire radiologique, qui est un type d’image anormale, et la cicatrice radiaire pathologique, qui est une lésion mammaire. Cette lésion, parfois nommée lésion sclérosante complexe, est habituellement une découverte fortuite lors de l’investigation d’une masse palpable ou d’une anomalie mammographique. Parfois, la cicatrice radiaire est suffisamment volumineuse pour elle-même produire une image mammographique, qui aura alors une apparence suspecte difficilement différentiable d’un carcinome. La prise en charge de la cicatrice radiaire retrouvée à la biopsie percutanée est controversée en raison d’une malignité sous-jacente dans près de 17% des cas. Également, la lésion elle-même serait peut-être prémaligne. Au CMSDF, environ 0.5% des biopsies percutanées mènent à un diagnostic de cicatrice radiaire.
- Hyperplasie canalaire usuelle
L’hyperplasie canalaire usuelle est une prolifération épithéliale intracanalaire sans atypie. Ces cellules sont bénignes
Les tumeurs phyllode du sein (environ 0.5% des tumeurs au sein) sont un groupe de tumeurs fibroépithéliales présentant un large spectre de comportements biologiques. Les tumeurs phyllode bénignes se comportent comme des fibroadénomes, mais ont une tendance à récidiver localement. Le pronostic d’une tumeur phyllode bénigne est excellent. Lors de la biopsie, le principal défi est de différencier une tumeur phyllode d’un fibroadénome, puisque la prise en charge des deux entités est différente. La chirurgie est le principal traitement.
AUTRES LÉSIONS BÉNIGNES
- Ectasie canalaire
L’ectasie canalaire se présente comme un écoulement obtenu à la pression, multicanalaire et à dominante verdâtre. L’écoulement est très rarement spontané. Il n’y a pas d’infection et les antibiotiques ne sont pas indiqués. L’ectasie canalaire est une dilatation plus importante des canaux galactophores. Elle est parfois décrite à la mammographie ou à l’échographie. Elle peut se manifester par un écoulement le plus souvent provoqué par une manipulation du mamelon par la femme ou son partenaire. Cet écoulement peut être observé au niveau des deux seins. Il est d’une texture épaisse, le plus souvent verdâtre bien qu’il ne soit pas infecté. Plusieurs canaux peuvent présenter un écoulement de couleurs différentes en même temps. Éviter la stimulation des mamelons permet de faire cesser cet écoulement. Il n’y a pas d’indication de chirurgie sauf si une autre lésion suspecte ou à préciser est associée.
- Nécrose graisseuse
La nécrose graisseuse est habituellement une séquelle d’un trauma au sein, ou est observée après une tumorectomie, une mammoplastie de réduction, une infection du sein, une rupture spontanée d’un canal sous-aréolaire ou une radiothérapie. Typiquement, la lésion est petite, ferme, sans douleur, mal définie et entourée de tissu mammaire. L’examen clinique et l’imagerie sont très souvent incapables de distinguer la nécrose graisseuse d’une lésion maligne. La ponction peut être utile pour révéler des macrophages caractéristiques de cette lésion. La biopsie en imagerie ou en clinique peut aussi confirmer le diagnostic. L’évolution est la diminution graduelle de la lésion qui peut se résorber complètement.
La galactophorite est l’inflammation d’un ou plusieurs canaux. Elle se traduit par un écoulement purulent ou grumeleux, une rougeur et une douleur. La galactophorite peut être aiguë ou chronique. Un durcissement des canaux sans rétraction se produira aux premiers épisodes. Après le premier ou plusieurs épisodes, la rétraction apparaîtra progressivement, mais en étant réductible au début.
Pour plus d’information sur les lésions bénignes, consultez :
La Sénologie au quotidien, Les défis mammaires en pratique courante p.70- 74 et p.112
Révisé le 1er août 2024